L'anomalie
Embarquement immédiat avec le romancier Hervé Le Tellier, membre de l'Oulipo, ancien pilier des "Papous dans la tête" pour la parution "L’Anomalie" (Gallimard, août) en lice pour le Goncourt.
« Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le génie, c'est l'incompréhension. » En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d'hommes et de femmes, tous passagers d'un vol Paris-New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte. Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n'imaginait à quel point c'était vrai. Roman virtuose où la logique rencontre le magique, L'anomalie explore cette part de nous-mêmes qui nous échappe.
"Je voulais proposer au lecteur une expérience de réflexion : un " Et si ? " . Cette question je me la pose moi-même, à chaque fois que je me précipite dans un personnage, je me demande comment je réagirai mais aussi comment le personnage réagirait, il n'est pas nous. Il faut répondre à ces deux questions simultanément. Face à mon double, la question essentielle qui se poserait ne serait pas matérielle, mais la question serait celle du sacrifice pour ceux qu'on aime : est-ce que je serai prêt à me battre ? à aller jusqu'au meurtre ? Est-ce que je serai capable de résister à la pression, à la concurrence, à un point incroyable, puisque l'autre l'autre, c'est vous? Quand on est confronté à soi, comment être plus soi que l'autre devient une question assez complexe" (Hervé Le Tellier) "
Nickel Boys
Avec Nickel Boys, Colson Whitehead agit en chirurgien consciencieux et s’attaque à une autre plaie constitutive de l’héritage américain. L’auteur abandonne la Géorgie et l’esclavage pour plonger au coeur moite de la Floride, dans l’Amérique ségrégationniste des années 60. Comme pour Underground Railroad, c’est par les yeux d’adolescents que le lecteur assiste aux souffrances que l’Homme inflige aux autres et de ce fait à lui-même. Elwood Curtis est un enfant sage, travailleur, discret et obéissant. Quand il n’est pas à l’école, il aime écouter les discours de Martin Luther King sur un disque que lui a offert sa grand-mère. Les mots qui tournent en boucle sur la platine le touchent et lui mettent au cœur une certitude : il sait qu’un jour il fera partie de cette jeunesse noire qui changera les choses.
La voix du pasteur reviendra à de multiples reprises dans le roman et rythmera la descente aux enfers de Curtis. Les citations lumineuses, pleines d’espoir, d’amour et d’appels à la dignité résonneront douloureusement à mesure que les rêves du jeune garçon seront soigneusement piétinés par les institutions américaines. Car à la suite d’une bête erreur judiciaire, Elwood va devenir un « Nickel boy », un garçon en centre de redressement, seul et sans avenir.
Peau d'homme
Sans contrefaçon, je suis un garçon !Dans l'Italie de la Renaissance, Bianca, demoiselle de bonne famille, est en âge de se marier. Ses parents lui trouvent un fiancé à leur goût : Giovanni, un riche marchand, jeune et plaisant. Le mariage semble devoir se dérouler sous les meilleurs auspices même si Bianca ne peut cacher sa déception de devoir épouser un homme dont elle ignore tout. Mais c'était sans connaître le secret détenu et légué par les femmes de sa famille depuis des générations : une « peau d'homme » ! En la revêtant, Bianca devient Lorenzo et bénéficie de tous les attributs d'un jeune homme à la beauté stupéfiante. Elle peut désormais visiter incognito le monde des hommes et apprendre à connaître son fiancé dans son milieu naturel. Mais dans sa peau d'homme, Bianca s'affranchit des limites imposées aux femmes et découvre l'amour et la sexualité.La morale de la Renaissance agit alors en miroir de celle de notre siècle et pose plusieurs questions : pourquoi les femmes devraient-elles avoir une sexualité différente de celle des hommes ? Pourquoi leur plaisir et leur liberté devraient-ils faire l'objet de mépris et de coercition ? Comment enfin la morale peut-elle être l'instrument d'une domination à la fois sévère et inconsciente ?À travers une fable enlevée et subtile comme une comédie de Billy Wilder, Hubert et Zanzim questionnent avec brio notre rapport au genre et à la sexualité... mais pas que. En mêlant ainsi la religion et le sexe, la morale et l'humour, la noblesse et le franc-parler, Peau d'homme nous invite tant à la libération des moeurs qu'à la quête folle et ardente de l'amour.
Avant que j'oublie
Avant que j’oublie, premier roman d’Anne Pauly, relate la fin de la vie d’un homme atteint d’un cancer, ancien alcoolique qui meurt dans la solitude de la maladie et de la vieillesse, au terme d’une existence somme toute banalement médiocre. Le récit, conduit du point de vue de la fille, dont on comprend assez rapidement qu’il s’agit de l’auteure, est celui d’une réconciliation qui mène du chagrin à l’apaisement, celle de l’orpheline avec elle-même, devenue adulte en traversant l’expérience absolue de la perte.
Betty
Ce livre est a` la fois une danse, un chant et un e´clat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera a` jamais, celle de la Petite Indienne.
La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, ne´e dans une baignoire, sixie`me de huit enfants. Sa famille vit en marge de la socie´te´ car, si sa me`re est blanche, son pe`re est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, apre`s des anne´es d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses fre`res et soeurs, Betty grandit berce´e par la magie imme´moriale des histoires de son pe`re. Mais les plus noirs secrets de la famille se de´voilent peu a` peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’e´criture : elle confie sa douleur a` des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des anne´es. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin re´ve´ler.
Betty raconte les myste`res de l’enfance et la perte de l’innocence. A` travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir re´parateur des mots et donne naissance a` une he´roi¨ne universelle.
Ce qu'il faut de nuit
«Pour moi, un livre, c’est un peu l’équivalent d’une cabane d’enfant. Quand j’étais petit, j’avais des amis qui savaient faire des choses incroyables de leurs mains, en bois, en fer. Moi, non. Pas par manque de patience ni manque d’imagination, mais simplement parce que j’en étais incapable. Ecrire, ça, j’y arrivais?», explique l’auteur.
Parce qu’on lui a répété, enfant, qu’il serait ingénieur à la SNCF, ce fils d’une famille de cheminots en Lorraine, s’est inspiré d’un monde familier. Elevé «?dans cette dévotion du service public?», c’est avec «?la crainte de trahir, de décevoir?» et en même temps le besoin «?de parler des valeurs, de comment elles se transmettent?», qu’il a fait naître ce livre.
Chavirer
Entrer dans les coulisses, c’est ce à quoi nous invite Lola Lafon dans Chavirer. Des coulisses multiples, celles des cours de danse, des plateaux de télévision et des cabarets, mais également celle des familles, des collèges, et des hôtels particuliers où se terrent les loups. Il y a un âge de « chavirement » chez les filles qui se situe entre douze et quatorze ans, quelque part entre l’apparition d’une raison raisonnante et la puberté, qui excite et attire les prédateurs. Cléo est et sera une danseuse. Chavirer est un des premiers grands romans sur la danse, et sur ce que subit le corps lorsque l’on danse.
Mais l’histoire de Cléo, prédominante dans le roman – on y rencontre d’autres jeunes danseuses dont on apprendra que le parcours se déroule en parallèle ou en dissonance à celui de Cléo – est aussi et surtout l’histoire d’une proie. Une femme nommée Cathy vient l’aborder à la MJC, lui fait miroiter l’obtention d’une bourse pour intégrer une grande école de danse, l’enserre dans des filets apparemment bienveillants, et la conduit à la tanière des loups. Le milieu de la danse permet à Lola Lafon de montrer et d’évoquer les dégâts causés au corps. Le corps d’une danseuse est un corps meurtri, poussé à son extrême pour atteindre le geste parfait. Le sacrifice est visible, pieds déformés, plaies infligées par les costumes, maquillage outré pour camoufler les traits fatigués. Le corps d’une danseuse est aussi soumis à l’autorité d’un chorégraphe qui en demande toujours plus, qui pousse à la torsion, qui vocifère à chaque répétition et humilie, parfois. Le monde de la danse évoqué dans ce roman est celui des plumes et des paillettes, des variétoches et de Michel Drucker, un monde clinquant et moins prestigieux que le ballet classique. Cléo, l’héroïne principale du roman, revendique l’appartenance à ce monde-là, à cette danse-là, celle qui donne du bonheur tous les samedis soirs à la télé.
Et toujours les Forêts
Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser. Traîné de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu'au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.
À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps ; les arbres perdent leurs feuilles au mois de juin. Quelque chose se prépare. La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Humains ou bêtes : il ne reste rien. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement.
Histoire du fils
"Voilà un roman qui tranche avec cette spécialité bien française de régler son compte à un père ou une mère par livre interposé. Curieux procédé… Comme s’il fallait rentabiliser sa souffrance, ou se rembourser les séances chez le psychanalyste.
Et pourtant le fils de ce roman-ci aurait été en droit, lui aussi, de dire sa douleur, d’être né de père inconnu et d’avoir été collé par sa mère, tout bébé encore, chez une tante de province. Or c’est tout le contraire que nous raconte avec son talent si particulier Marie-Hélène Lafon. Toujours, elle délaisse les grandes orgues du ressentiment pour composer en mode mineur et opte pour les silences, joue des demi-teintes et de la pudeur. Cette pudeur, devenue si rare et quasi suspecte en ces temps de transparence obligatoire. André est le fils de Gabrielle mais il a été élevé par Hélène, et c’est tant mieux, car autant Hélène est chaleureuse, aimante, gaie, autant Gabrielle est sèche, distante et peu maternelle. Voilà donc un abandon heureux, entouré d’une famille que l’on découvre ici dans le désordre. Et ce que nous montre cette auteure, c’est que toute vie est une odyssée domestique, avec des tempêtes et des accalmies. Rien n’est banal et en même temps tout est banal.
Dans tous ses romans, qui sont très courts, Marie-Hélène Lafon a l’air de se demander : "Qu’est-ce qu’une vie au fond "? Quand peut-on dire qu’on a vécu ? Et comment les gens font-ils pour s’en tirer, pour s’extraire de leur destin, partir loin ou au contraire pour accepter le lieu de leur naissance et y creuser un sillon tout tracé ?
C’est un livre remarquablement construit, qui alterne plusieurs générations, pour les mettre en résonance. Grands-parents, parents, petits-enfants se passent un bâton relais avec des valeurs d’antan ou nouvelles. Chacun à sa place et chaque chose en son temps. Et si le malheur entre dans la maison, on continue et on n’en parle pas.
Le coeur synthétique
Chloé Delaume, habituée à la pratique de la littérature expérimentale, elle publie cette fois-ci, un roman "normal", un objet pop, à la fois drôle et poignant.
Le Coeur synthétique (Seuil) est une comédie, mordante mais pas grinçante, une sorte de roman féministe populaire, un pastiche intelligent de Bridget Jones. «C’est l’histoire d’une fleur bleue qu’on trempe dans l’acide», écrit la romancière.
Le consentement
Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses oeillades énamourées et l'attention qu'il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l'aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu'elle vient d'avoir quatorze ans, V. s'offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l'homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s'arracher à l'emprise qu'il exerce sur elle, tandis qu'il s'apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l'écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.« Depuis tant d'années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.Plus de trente ans après les faits, Vanessa Springora livre ce texte fulgurant, d'une sidérante lucidité, écrit dans une langue remarquable. Elle y dépeint un processus de manipulation psychique implacable et l'ambiguïté effrayante dans laquelle est placée la victime consentante, amoureuse. Mais au-delà de son histoire individuelle, elle questionne aussi les dérives d'une époque, et...
Les impatientes
« Trois destins de femmes qui subissent des violences conjugales avant de se rebeller. Sans aucun manichéisme, ce livre fait naitre un véritable univers romanesque à la portée universelle. » Laure Adler
Nature humaine
La ferme des Fabrier, de la canicule de l’été 1976 à la tempête de décembre 1999. Ample et délicat nouveau roman rural de l’auteur de « Chien-Loup ». De beaux personnages, souvent singuliers : Alexandre, Constanze, les sœurs, et la génération d'avant et celle d'avant encore avec leur vision, leur amour de la terre, leur conservatisme ou leur envie de modernité.
Serge Joncour nous plonge dans ce monde dur et magnifique de la terre, du travail de la terre, de la relation aux animaux, de la naissance des premiers centres commerciaux où converge le weekend toute une population qui voit le changement s'opérer dans sa vie quotidienne, sans vraiment comprendre les implications des choix politiques qui concernent son destin. Et surtout d’un monde qui voit disparaître les bistrots, les petites gares et les petits chemins, la petite poste du village…ce qu’on nomme désertification.
Rien n'est noir
Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d'inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila. Elle aimeparticiper à des manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment et se rendre dans des fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint. Par dessus tout, Frida aime Diego, le peintre le plus célèbre du Méxique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.
l'auteur expose les passions, l'art et les souffrances de la peintre fracassée, cette magicienne des couleurs et prêtresse d'une féminité affranchie.